11 octobre 2020

Kajillionaire


Kajillionaire est une comédie dramatique de Miranda July avec Evan Rachel Wood et Gina Rodriguez. Kajillionaire est un terme d'argot construit sur la même racine que millionnaire mais avec une note ironique.

C'est le quatrième long-métrage de Miranda July en 15 ans, après Somebody, Moi, toi et tous les autres (Caméra d'or au Festival de Cannes) et Le futur

Old Dolio (Evan Rachel Wood), un prénom sans-pareil tout comme son origine, est la fille unique de Theresa et Robert (Richard Jenkins). Ensemble, ils forment un trio qui vit d'arnaques ou plutôt survivent de combines foireuses en tout genre. Mélanie (Gina Rodriguez) s'immisce dans cette famille dysfonctionnelle aux croyances et superstitions nombreuses et va bouleverser son fragile équilibre...

Evan Rachel Wood, que j'ai découverte adolescente dans la série Once & again, a précédemment été l'inoubliable Lucy dans la comédie musicale Across the universe avec Jim Sturgess, a joué dans Whatever works de Woody Allen, Les marches du pouvoir de Georges Clooney aux cotés de Ryan Gosling, la mini-série Mildred Pierce avec Kate Winslet et actuellement dans la série Westworld, C'est une actrice dont j’apprécie les choix de projets et la présence à l'écran. Elle a créé un personnage d'Old Dolio loin d'elle : elle a une voix beaucoup de grave que la sienne, arbore un look androgyne voire masculin, change peu de vêtements, a une démarche unique et fait preuve d'une grande souplesse et d'une mobilité étonnante (quand elle se camoufle ou quand elle danse). Si la prochaine cérémonie des Oscars a bien lieu cette année, je la nommerai sans aucun doute dans la catégorie meilleure actrice pour cette performance.
Je connaissais Gina Rodriguez uniquement pour son rôle titre dans la série Jane the virgin. A l’inverse, elle incarne une portoricaine qui porte des tenues sexy et s’exprime avec une voix suave. Tout les oppose donc en apparence.
Les parents incarnés par Richard Jenkins et Debra Winger sont épatants, les quatre personnages étant en vase clos.

Il y a des passages très drôles (cf. toutes les scènes d'arnaque). On bascule dans l'émotion dans la deuxième partie du film avec la survenance des sentiments : la jalousie, la peine... C'est également poétique et émouvant, par exemple quand la chanson I'm so lonely résonne ou encore lors de la scène avec le grand-père en fin de vie seul dans sa maison. Il y a également de l'ambivalence.
Ce film indépendant, dont le scénario évolue au travers de scènes qui s'enchaînent avec du sens et des rebondissements, est très bien construit au sein d'un univers unique.

J'ai adoré cet OVNI poétique et singulier ! Je comprends que ce film puisse déconcerter ou ne pas plaire du tout, si on n'adhère pas de suite, vu que le ton est décalé tout du long. C'est un voyage burlesque, étonnant et original qui m'a conquise.

13 septembre 2020

Tenet

 

Tenet de Christopher Nolan est LE film dont j’attendais la sortie avec impatience depuis le confinement. Cette sortie ayant été repoussée à plusieurs reprises, j'ai finalement d'abord vu au cinéma Été 85 de François Ozon qui m'a conquise.

Dans Tenet, le héros (John David Washington) s'engage dans une course-poursuite intense pour sauver l'humanité, aidé par Neil (Robert Pattinson). Tout comme dans Interstellar et Inception du même metteur en scène, le temps joue une place centrale, il est au cœur de l'intrigue, ou plutôt l'intrigue repose sur le temps.

Côté casting :

- John David Washington (fils de Denzel Washington), le personnage principal, est une révélation qui porte le film de bout en bout ;
- Robert Patttinson (le futur Batman), son acolyte, me plaît par sa présence et son jeu d'acteur, mais son personnage flegmatique et mystérieux a eu tendance à m'agacer ;
- Elizabeth Debicki - dont j'avais repéré l'élégante silhouette longiligne dans la série The night manager de la BBC, dans laquelle elle résidait déjà sur des yachts de luxe ! -  réussit la prouesse d’incarner un personnage féminin à plusieurs facettes avec de la profondeur dans un film quasi exclusivement masculin ;
- Kenneth Branagh est un méchant sans aspérités, trop manichéen selon moi ;
- Aaron Taylor-Johnson, fascinant dans Nocturnal animals, tient un petit rôle.

En tant que scénariste, Nolan perd le spectateur. Il ne sème pas d'indices qui aideraient à décrypter l'intrigue. J'ai eu l’impression que les personnages, qui dialoguent entre eux à un rythme très soutenu dès les premières minutes du film, se complaisent à employer un jargon et à faire des "private jokes" dont l'objectif est d'exclure le spectateur de leurs échanges ! Le film dure 2h30. Malgré toutes mes réserves, je ne me suis pas ennuyée. J'ai davantage apprécié la dernière heure, à partir de laquelle j'ai commencé à décoder certains éléments, à comprendre la mécanique utilisée, par exemple en explorant de nouveau certains décors sous un autre angle ou plutôt sous une autre période.

Certaines scènes sont impressionnantes et filmées avec brio par le réalisateur, mais il y a trop de scènes d'action, au détriment de l'émotion dont le film est dépourvu. J'ai eu grand plaisir à revoir Interstellar récemment qui m'a de nouveau ému. Je ne suis pas certaine que revoir Tenet me permettra de plus l’apprécier et de comprendre tous ses rouages et ses subtilités. Au final, après toute cette attente, j'ai été un peu déçue : Tenet est pour moi un mauvais cru de Christopher Nolan qui reste un réalisateur talentueux et inclassable.

2 août 2020

Été 85


Été 1985, sur la côte d'Albâtre, Alexis (Félix Lefebvre) manque de chavirer, David (Benjamin Voisin) vient à son secours. Tandis qu'Alexis, le narrateur âgé de 16 ans, est plutôt réservé et introverti, David, 18 ans et 1 mois, est plus aventureux et fougueux. Cette rencontre marque le début de leur histoire d'amour fulgurante...

François Ozon est un cinéaste que j'apprécie beaucoup, j'ai vu la plupart de ses films, notamment Sous le sable, 8 femmes, Dans la maison, Jeune & Jolie, Frantz et L'amant double. Ce scénario est adapté du livre Dancing on my graves d'Aidan Chambers. C'est un projet qui lui tenait à cœur, il voulait même que cela soit son premier film !
Le film comporte de nombreuses références cinématographiques, de Plein soleil à la  scène du walkman de La boum, ou encore celle des montagnes russes. Ce metteur en scène cinéphile a choisi une pellicule avec un grain particulier ce qui renforce l'effet rétro.  
La reconstitution de cette époque passe également par les vêtements. Par exemple, le look de David est étudié : il se coiffe fréquemment avec un peigne amovible, porte un collier dent de requin, un bandana rouge noué autour du cou, un tee-shirt aux manches boulottées et des badges sur son blouson en jean.
La bande originale est signée par Jean-Benoît Dunckel de Air. On y retrouve notamment In between days The Cure et Sailing de Rod Stewart, des chansons qui accompagnent des moments clés du film.
Tourné au Tréport et narré sur deux périodes en parallèle, la première partie est solaire mais le drame rôde, "le commencement de la fin" s'annonce. 

Les deux jeunes acteurs principaux sont talentueux et formidables dans leurs rôles respectifs !
Félix Lefebvre, plus en retenue au début du film, s'émancipe et gagne en envergure, tout comme son personnage qui tient à se faire appeler Alex pour annoncer cette envie de changement. Il a un côté sombre, il est fasciné par la mort et sera prêt à tout pour tenir sa promesse à David "l'ami de ses rêves".
J'avais découvert Benjamin Voisin dans le film Je sais tomber. Ici, son personnage beau comme un astre mais trouble montre une auteur facette de cet acteur très prometteur.

Valéria Bruni Tedeschi incarne la mère fantasque de David, Isabelle Nanty celle d'Alexis, qui est beaucoup plus pudique. Melvil Poupaud, un acteur récurrent d'Ozon (Le temps qui reste et Grâce à Dieu), joue le professeur de français d’Alexis.

La dernière phrase du film, une introspection d'Alexis, résonne longtemps après être sortie de la séance de cinéma, car elle est universelle.

Été 85 est un drame estival lumineux porté par deux jeunes acteurs remarquables en totale symbiose.  Quel plaisir de retourner au cinéma pour voir un film aussi émouvant et sincère !

26 juillet 2020

Citéco (Cité de l'économie)


Citéco (Cité de l’Économie), musée ouvert l'an dernier après une période de rénovation, est située dans un hôtel particulier dans le 17e arrondissement au métro Monceau ou Malesherbes. C'est Émile Gaillard, un banquier, qui bâtit cet hôtel particulier à la fin 19e siècle. La Banque de France l'a racheté.

Dans ce cadre agréable et prestigieux (boiseries gothiques, appartements privés, petit salon, salle de bal, etc.), l'exposition permanente est destinée à tous les publics : il y a des jeux interactifs à tester seul ou à plusieurs ; de nombreux écrans à manipuler avec des stylets rendent la visite ludique et interactive.

Sont abordés tout d'abord les fondements des échanges (confiance, droit, valeur, utilité et rareté) et ses formes (marchands ou non marchands, troc ou monnaie). Des vidéos et des graphiques retracent 200 ans d'économie - de 1810 à aujourd'hui - et l'évolution du PIB par habitant ainsi que celle de l'espérance de vie.
A l'ère de la globalisation du commerce, un scanner rayons X comme à l'aéroport permet de visualiser d'où viennent chaque composant d'un produit : par exemple, pour un jean, le nombre de pays est supérieur à 10 pour la toile, le fil, les boutons, la teinture, etc. Les résultats sont étonnants !
Le visiteur peut se mettre dans la peau d'un banquier et ainsi mieux appréhender les circuits économiques (dépense, production et répartition) et comprendre les disparités selon les pays et l'importance du développement de la croissance verte, face à la déforestation notamment. Des vies d'entreprises sont détaillées en images, à l'instar de Microdon et son principe de générosité embarquée avec l’arrondi en caisse. Le marché des actions, ses instabilités et ses turbulences, les crises et l'effet domino sont présentés, comme le krach boursier en 2008 expliqué par Christine Lagarde.
Dans la salle des coffres à la fin du parcours, il est possible de manipuler un lingot d'or (poids d'1 kg) et une barre d'or (de 12 kg) dont les cours le jour de ma visite s’élevaient respectivement à 50 000 € et 630 000 €, et de repartir avec un billet de banque imprimé à son effigie comme souvenir.



On apprend beaucoup tout au long de cette visite : les contenus sont instructifs, ludiques et la thématique est originale.

Compte tenu du contexte sanitaire actuel, le musée est accessible uniquement sur réservation. Le nombre de visiteurs reste encore raisonnable. La visite prend plusieurs heures si l'on effectue l'ensemble du parcours et des animations proposées.


J'ai hâte d'y retourner pour l'exposition temporaire consacrée à Largo Winch prévue en octobre prochain.
 

8 mars 2020

Le cas Richard Jewell

   

Le cas Richard Jewell est le 40e film de Clint Eastwood.

Lors des Jeux olympiques d'Atlanta en 1996, Richard Jewell (Paul Walter Hauser), un agent de sécurité, repère un sac abandonné durant un concert. Sans sa vigilance, le bilan de l’explosion de cette bombe aurait était bien pire. Héros instantané pour l'Amérique toute entière, son passé va rapidement faire de lui le suspect idéal aux yeux de Tom Shaw (Jon Hamm) du FBI. Seuls son avocat Watson Bryant (Sam Rockwell) et sa mère Bobi Jewell (Kathy Bates) le soutiendront face à ces accusations à sens unique.

A 89 ans, Clint Eastwood réalise un nouveau film inspiré d'une histoire vraie, après les récents Sully et 5h17 pour Paris. L'un des atouts de ce film repose sur le déroulement des faits qui est hallucinant et le rouleau compresseur que peut être la justice. Ce film est construit sur un récit linéaire, avec peu d’originalité dans la mise en scène.

Mais ce film vaut surtout pour ces brillants acteurs principaux :
- Paul Walter Hauser, que Clint Eastwood a repéré dans une série, est phénoménal. Il est  convaincant dans ce premier grand rôle titre. Son personnage se voit d'égal à égal avec les agents des forces de l'ordre. Il semble crédule, alors qu'il risque la peine capitale sans avoir l'air d'en avoir pleinement conscience.
- Sam Rockwell, que j'avais déjà adoré en février en nazi dans le film Jojo rabbit de Taika Waititi, joue un avocat de seconde zone, humain et fidèle à son ami Richard Jewell, étant le seul homme de loi qu'il connaisse. Il apporte beaucoup à l'humour du film, en hallucinant à chaque réaction de Richard Jewell qui se montre trop coopératif avec les enquêteurs du FBI.
- Kathy Bates incarne une mère aimante, qui vit avec son fils et en prend soi. Elle est dépassée par la tornade médiatique et judiciaire qui s'abat sur lui.
- Jon Hamm est un enquêteur du FBI obstiné. Il veut faire plier le coupable idéal de cet attentat, quitte à flirter avec la loi, en abusant de la candeur de l'accusé.

En revanche, le personnage incarné par Olivia Wilde, une journaliste avide de scoops, est caricatural : elle se réjouit de l'attentat car cela va lui permettre d'être célèbre en publiant un article à sensation. Elle semble dépourvue d'émotion et son virage à 180 degrés ensuite frôle le ridicule.

L'affiche promet "Un grand Clint Eastwood". Pour moi, Le cas Richard Jewell est "un bon Clint Eastwood" et un film réussi.

23 février 2020

#JeSuisLà


#JeSuisLà est un film d'Eric Lartigau avec Alain Chabat.
 
Stéphane (Alain Chabat) est un cinquantenaire divorcé, père de deux fils, et restaurateur dans le pays basque. Esseulé, il est en contact sur les réseaux sociaux avec Soo (Doona Bae), une coréenne. Il retrouve la joie de vivre à travers leurs échanges quotidiens en ligne et décide sur un coup de tête de la rejoindre à Séoul...

J'aime l'humour d'Alain Chabat et ce qu'il dégage en tant que comique (depuis Les nuls), acteur et réalisateur (Didier, Astérix et Obélix : mission Cléopâtre) et animateur de Burger Quiz. Je trouve qu'il se bonifie avec le temps et gagne en nuance dans son jeu. Ce personnage lui ressemble  : son regard exprime bonté, malice et humanité. Le scénario est signé par Eric Lartigau et Thomas Bidegain. Leurs humours et leurs tons sont si proches de celui d'Alain Chabat que j'ai supposé à tort qu'il avait participé à l'écriture des dialogues. 
L'actrice Doona Bae est une grande actrice coréenne, son jeu est tout en subtilité et en retenue.
Blanche Gardin m'a plus convaincue et fait rire par les répliques de son personnage Suzanne et les évocations de son mari Bernard, que par son accent du sud-ouest.
Les deux fils d'Alain Chabat, campés par Ilian Bergala et Jules Sagot, sont justes et touchants, au travers de leurs amours filial et fraternel.

Après les réussis Prête-moi ta main en 2006 (avec le faux couple Alain Chabat/Charlotte Gainsbourg) et La famille Bélier en décembre 2014 (qui révéla Louane Emera), le 7e opus d'Eric Lartigau est construit en 3 unités de lieux et de temps : d'abord le pays basque pour planter le décor, puis le vaste aéroport de Séoul et enfin la mégalopole en elle-même.
L'aéroport de la capitale de la Corée du Sud est démesuré et très moderne, à l'instar des sols et des murs recouverts de milliers de lampes LED colorées. Il est adossé à un centre commercial luxueux et animé, dans lequel le groupe de K-pop Myteen se produit sur scène. Le film montre aussi les extrêmes de l'époque actuelle, la folie et les excès des réseaux sociaux.
Le voyage est ici synonyme d'évasion et de dépaysement, à l'image de celui ressenti par Scarlett Johansson et Bill Murray dans Lost in translation de Sofia Coppola. Les différences de culture et de langage sont exacerbées. C'est le parcours de vie de Stéphane que l'on suit : le personnage incarné par Alain Chabat sort de sa zone de confort, évolue, fait des découvertes et des rencontres pour finir par être plus vivant que jamais.

Certes, ce film n'est pas parfait. Il peut être répétitif et comporte des longueurs ; l'engouement pour Stéphane sur les réseaux sociaux peut sembler excessif. Mais Alain Chabat me cueille et me convainc à chaque scène et me fait aimer l'ensemble. 
Soo explique à Stéphane qu'en coréen il y a un mot pour désigner avec précision chaque situation et chaque sentiment. Ainsi, le "nunchi" dont elle lui parle décrit l'art et la capacité d'écouter et d'évaluer ce que les gens pensent et ressentent, sans avoir besoin de (se) parler.
S'il y a un mot en coréen pour désigner le fait de passer un bon moment au cinéma, pas impérissable mais agréable, qui ouvre sur le monde et ses différences, porté par un acteur irrésistible, je l'utiliserai volontiers pour décrire #JeSuisLà.

2 février 2020

Jojo rabbit


Jojo rabbit est un film du réalisateur néo-zélandais Taika Waititi, avec Roman Griffin Davis et Scarlett Johansson.

En 1943, en Allemagne, Joseph Betlzer (Roman Griffin Davis), un aryen de 10 ans, vit avec sa mère Rosie (Scarlett Johansson) qui l'élève seule. Lors d'un weekend d’initiation aux jeunesses hitlériennes, il hérite du surnom "Jojo rabbit" par des officiers nazis  Il a deux amis : son camarade Yorki et un ami imaginaire qui a les traits d'Adolf Hitler ! Jojo rabbit narre 6 mois décisifs de la vie de Jojo qui vont le faire grandir, en le confrontant aux préjugés, au racisme, à la mort, à l'expérience de l'amitié et de l'amour.

Il ne faut surtout pas avoir peur d'aller voir ce film au pitch déroutant ! Malgré le sujet, j'ai ri toutes les 30 secondes. C'est un film essentiel et le choix du réalisateur d'utiliser le filtre de la comédie permet de mettre en exergue les absurdités de l'époque, comme les croyances que les juifs sont télépathes ou des fantômes.
La scène d'ouverture du film donne le ton avec une dizaine de "Heil Hitler" (le salut fasciste) tourné en dérision. Soit on rit de suite en comprenant le second degré permanent et l'absurdité des dialogues ou des costumes, soit on n'adhère pas et on ne va pas être embarqué par cet ovni cinématographique.
Qu'est-ce que j'ai pu rire de l'horreur des dialogues qui font en même temps froid dans le dos.
75 ans après la libération du camp d’Auschwitz, 57% des Français ignorent le nombre de juifs tués lors de la Shoah. Alors que l'antisémitisme est en forte croissance, ce film résonne encore davantage aujourd'hui.

Taika Waititi signe également le scénario (adapté du livre Le ciel en cage de Christine Leunens) et il est méconnaissable dans le rôle d'Hitler, l'ami imaginaire de Jojo. Remarqué au festival de Sundance, lauréat du prix du scénario adapté de la Writers Guild Award (aux côtés de Parasite pour le scénario original), Jojo rabbit a raflé 6 nominations aux BAFTA et autant aux Oscars (dont meilleur film, meilleure actrice dans un second rôle pour Scarlett Johansson, meilleur scénario adapté et meilleur montage).
Le choix du cadre est remarquable, j'ai été surprise et épatée par le parti pris du metteur en scène. Par exemple, les gros plans sur les chaussures de Jojo ou de sa mère m'ont fait, selon les moments, sourire, rire ou pleurer.

Et quel casting, toute la distribution est magistrale :
- Le rôle principal de Jojo est campé par le jeune franco-britannique Roman Griffin Davis : pour son premier rôle, c'est très prometteur grâce à un talent instinctif.
- Scarlett Johansson brille dans tous les registres ! J'admire cette actrice depuis Lost in translation de Sofia Coppola, en passant par Match point de Woody Allen, Her où sa voix séduisait Joaquin Phoenix, jusqu'à Marriage story de Noah Baumbach disponible sur Netflix, dans lequel elle se déchire avec Adam Driver. Ce film lui vaut une seconde nomination aux Oscars cette année, cette fois en tant que meilleure actrice, une situation quasi inédite : même si le doublé semble hors de portée, l'Oscar pour Jojo rabbit semble plus accessible.
- Thomasin McKenzie (dont 2 nouveaux films vont sortir, avec une filmographie en comptant déjà 6) incarne Elsa avec une grâce infinie.
- Sam Rockwell (Les associés, Confessions d'un homme dangereux, 3 billboards... et bientôt dans Le cas Richard Jewell de Clint Eastwood) est excessif à l'image de son uniforme final flamboyant.
- Dans deux rôles de nazis sadiques, à contre-emploi de leurs comédies habituelles, Rebel Wilson et Stephen Merchant sont jouissifs.

C'est drôle, surprenant, poétique, sensible et dramatique. Un joyeux bordel qui a du sens et fait forcément penser à La vie est belle de Roberto Benigni, mais aussi à la folie douce de Wes Anderson. La citation de Rainer Maria Rilke en clôture du film synthétise la beauté et la portée de ce film atypique : “Let everything happen to you. Beauty and terror. Just keep going. No feeling is final.
Il y a des films qui vous marquent à vie, dont les images restent en vous. Jojo rabbit en fait partie pour moi.
 

19 janvier 2020

Funny girl


Funny girl est une comédie musicale de Broadway qui est actuellement jouée au théâtre Marigny.

Fanny Brice (Christina Bianco) est une artiste de music-hall. Grâce à un flashback, on assiste au début de sa carrière jusqu'à son succès au sein de la troupe des Ziegfeld Follies, et aussi à ses amours avec Nick Arnstein.

Christina Bianco campe une Fanny Brice énergique et résolue. Quelle présence et quelle voix ! Cette funny girl est phénoménale : elle est hors-normes, petite par la taille mais grande par le talent. C'est justement le propos du spectacle : elle incarne une chanteuse qui ne rentre pas dans le cadre et qui joue de sa singularité.


Créée initialement sur scène en 1964, c'est le film de William Wyler de 1968 avec Barbra Streisand (rôle qui lui valut son premier Oscar) qui a popularisé cette histoire. Cette nouvelle production est proposée pour la première fois à Paris.

Les airs de Funny Girl sont connus, à l'instar de Don't rain on my parade et People.
 
Les costumes sont flamboyants et les décors magnifiques.

Dans sa globalité, j'ai préféré le spectacle Un américain à Paris pour l'histoire et l'ensemble du casting, mais la performance de Christina Bianco est remarquable dans ce rôle légendaire. Cette comédie musicale de 2h40 avec entracte, en anglais surtitré en français, a été prolongée jusqu'au 7 mars 2020.

12 janvier 2020

A couteaux tirés


A couteaux tirés (Knives out en version originale) est un thriller de Rian Johnson, le réalisateur de Star Wars - les derniers jedi et de Looper.

Harlan Thrombey (
Christopher Plummer) est un écrivain à succès, ses nombreux p
olars parus aux éditions Blood like wine sont des best-sellers. Il est retrouvé mort dans son manoir le lendemain de la soirée d'anniversaire célébrant ses 85 ans. Est-ce un suicide ou un meurtre ? Le détective Benoit Blanc (Daniel Craig) va mener l’enquête d'une façon déconcertante au sein d'une famille qui cache de nombreux secrets...
 
Quel casting ! Aux côtés du patriarche Christopher Plummer et du détective campé par Daniel Craig (juste avant d'endosser le smoking de 007 pour la dernière fois) :
- Ana de Armas incarne Marta Cabrera, l'aide-soignante de longue date d'Harlan Thrombley. Elle était dans Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve avec Ryan Gosling sorti en 2017. C'est une actrice que j'apprécie beaucoup, elle trouve ici un rôle important, dans lequel elle excelle
- Jamie Lee Curtis est la fille d'Harlan et Don Johnson son époux 
- Chris Evans joue son petit-fils
- Michael Shannon est son fils
- Toni Collette campe sa belle-fille et Katherine Langford (aka Hannah Baker dans la série Netflix 13 reasons why) sa petite-fille.

Le scénario est signé du réalisateur qui réalise un coup de maître. Ce film est un "whodunit", contraction de "who has done it?", littéralement "qui l’a fait ?". Telle une partie de Cluedo ou un roman d'Agatha Christie, c'est un modèle du genre, efficace et jubilatoire : le spectateur se fait embarquer par l'intrigue jusqu'à la résolution de l'énigme. Au fur et à mesure du film, les pistes s’affinent, mais les coups de théâtre et les rebondissements sont nombreux. A la fin, tout fait sens, à voir absolument en VO sinon je ne vois pas comment le twist final peut fonctionner.

C'est un film très réussi, rythmé et surprenant,
avec un ton à part et un humour rare, via les scènes d'interrogatoire et le personnage de Marta, dont les similitudes avec Simon Jérémie (Dominique Farrugia) dans La cité de la peur sont extrêmement drôles 😂