11 décembre 2016

Edmond


Après Le Porteur d'Histoire et Le cercle des illusionnistes, Edmond est la troisième pièce d'Alexis Michalik, inspirée de la pièce Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand. 

Edmond Rostand est un jeune auteur de théâtre qui a connu un succès relatif en 1895 avec la pièce La princesse lointaine avec Sarah Bernhardt dans le rôle titre. Celle-ci lui présente Constant Coquelin, un acteur réputé et d'expérience, pour lequel il doit écrire une comédie en 3 actes, dans des délais très serrés. Cette pièce lui permettrait de subvenir aux besoins de sa femme Rosemonde et ses enfants. En manque d'inspiration, ses rencontres et échanges avec son ami Léo, coureur de jupons, vont lui permettre de noircir les pages. On va assister à la genèse de sa pièce et à sa première acclamée au théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris le 27 décembre 1897.

C'est à la fois poétique (par exemple, les flocons de neige qui tombent sur scène, les feuilles de l'arbre), drôle (le duo corse crapuleux, le fils de Coquelin qui joue faux, les quiproquo) et cinématographique grâce à la mise en scène et à la musique très présente. À la fin de la pièce, les spectateurs applaudissent le succès de la première et la mise en abyme est particulièrement réussie : on applaudit les 12 acteurs de la troupe qui virevoltent, jouent souvent plusieurs rôles, et font évoluer les décors avec une dextérité  incroyable.

Je suis décidément conquise par le talent d'Alexis Michalik, jeune auteur inventif, déjà détenteur de 3 Molière. Il pourrait en rafler d'autres avec cette création lumineuse, drôle et rythmée, inspirée et inspirante. La pièce d'Edmond Rostand est l'un de mes livres préférés. Cette pièce m'a également donné envie de revoir le film de Jean-Paul Rappeneau, sorti en 1990, avec Gérard Depardieu, Anne Brochet et Vincent Perez. Un vrai coup de cœur, à voir au théâtre du Palais-Royal jusqu'au 31 mars 2017 !

4 décembre 2016

Gaspard Proust


Gaspard Proust revient sur la scène de la Comédie des Champs-Élysées avec un nouveau spectacle, après Gaspard Proust tapine.

Il commence son spectacle rideau baissé : pendant plus de dix minutes, on ne dispose que de sa voix pour cette introduction. Puis, il fait son entrée sur scène, et nous prévient que le sketch du K-way c'est Dany Boon, pas lui, si on espérait à tort assister à un spectacle tout public et consensuel !
Après avoir sécurisé la salle en cas d'attentat, il demande aux femmes de se poster près des entrées en cas d'attaque, usant de son côté "féministe" qu'il revendique à plusieurs reprises : une femme égale une homme, alors au tour des femmes d'aller au front !
Tous les politiques sont épinglés. Il parvient à fait rire avec les attentats mais va parfois trop loin, comme avec Aylan, l'enfant retrouvé mort sur les plages turques.
Des situations sont très bien croquées, comme les bobos parisiens qui n'ont pas d'autorité sur leurs enfants rois et la description de leurs courses alimentaires dans un magasin bio. Sont exposés également sa vision du couple et ses conseils... à ne pas forcément suivre !

Gaspard Proust pratique un humour caustique, décapant mais avec un talent certain dans l'écriture. Il s'appuie sur les mêmes ressorts que dans le premier spectacle, en surfant sur l'actualité avec une mise en scène minimaliste. Son spectacle a été prolongé, puisqu'il affiche complet jusqu'au 31 décembre 2016 : il jouera au théâtre Antoine en septembre 2017, après une tournée dans toute la France.

27 novembre 2016

42nd Street


A New York, en 1933, des auditions sont organisées pour le nouveau spectacle du metteur en scène Julian Marsh. Il aura pour vedette Dorothy Brock, comédienne expérimentée et de renom. Peggy Sawyer, provinciale, novice mais talentueuse, rêve d'intégrer la troupe de cette comédie musicale intitulée "Pretty Lady"...

Comme dans Singin' in the Rain, qui m'avait enchantée en début d'année, les décors sont magnifiques, la mise en scène est rythmée et inventive, les costumes sont originaux et soignés, les comédiens talentueux. Les numéros de claquette et de danse synchronisés à plusieurs dizaines de danseurs sont spectaculaires. Il y a de l'humour, des rebondissements... et bien sûr un happy end !

Les airs sont moins connus que dans Singin' in the Rain, à l'exception de "We're in the money". En effet, on se situe après la crise économique de 1929 et donc plusieurs chansons traitent de la thématique de l'argent.

Un merveilleux moment dépaysant, proposé en deux actes et en VO surtitrée, au théâtre du Châtelet jusqu'au 8 janvier 2017. C'est la toute dernière production du Châtelet, avant une fermeture pendant deux ans et demi, à partir de mars 2017, pour remise aux normes.

19 novembre 2016

Tout ce que vous voulez


Tout ce que vous voulez est la nouvelle pièce de Mathieu Delaporte & Alexandre de la Patelière, les auteurs de Le Prénom et Un dîner d'adieu, qui se joue au Théâtre Edouard VII. Lucie (Bérénice Bejo) est un auteur reconnu de pièces de théâtre. Un jour, son nouveau voisin Thomas (Stéphane de Groodt) s'invite dans son appartement pour lui signaler une fuite d'eau. Récitante au début et peu encline à alimenter les conversations initiées par Thomas, elle va s'en faire un allié pour tenter de résoudre son problème actuel : heureuse, elle n'a plus d’inspiration, alors que sa nouvelle pièce doit néanmoins être jouée prochainement...

C'est une troisième pièce réussie. C'est plus subtil qu'il n'y paraît, grâce à des mises en abyme originales et faciles à comprendre : on sait immédiatement quand on se situe dans l'écriture de la pièce et quand on est dans la réalité de appartement de Lucie. Le final également est ingénieux.
J'avais vu les deux pièces précédentes. Il y a d'ailleurs des références à leurs acteurs (Guillaume de Tonquédec, Éric Elmosnino et Judith El Zein sont cités) ou quand Lucie déclare "Je n'aime pas les prénoms", un joli clin d’œil !

C'est une première sur les planches pour Bérénice Bejo.
Son personnage, qui peut vivre sans amour mais pas sans écrire, est tour à tour antipathique, charmant, excessif et lumineux. Stéphane de Groodt est très à l'aise : il a par moment des envolées lyriques et intonations à la Louis de Funès. Il est très drôle par ses répliques et réactions, c'est plutôt lui qui provoque le rire des spectateurs. 

C'est suffisamment rare pour être souligné : les décors - dont le ciel avec des nuages très réalistes - et la lumière sont très réussis. A noter que l
a pièce est surtitrée pour les anglophones.
 
J'ai passé un très bon moment à suivre leur relation de voisinage et son évolution. J'ai été surprise par son traitement original.

13 novembre 2016

Snowden


Snowden
est un film d'Oliver Stone avec Joseph Gordon-Levitt dans le rôle titre. Le film commence en juin 2013, à Hong-Kong, alors qu'Edward Snowden est confiné dans une chambre d'hôtel avec des journalistes de
The Guardian et cameraman de confiance. On se situe avant la révélation au grand public de ses découvertes sur les écoutes de masse des citoyens américains par la CIA et la NSA.

Les flashbacks commencent en 2004 et suvent l'ordre chronologique, depuis ses entretiens d’embauche dans ces agences gouvernementales, alors qu'il est autodidacte. Le film progresse en suivant la carrière d'Ed Snowden, à la CIA puis à la NSA, salarié ou contractuel, sur différents sites, aux Etats-Unis ou à l'étranger.

Snowden est présenté comme un être brillant, honnête et patriote. Le portrait de ce lanceur d'alerte est à sens unique. L'élection d'Obama en novembre 2008 sera source d'espoir puis de désillusion. L'acteur principal a modifié sa voix et son look pour être plus proche du personnage éponyme. Son couple avec Lindsay Mills, incarnée par Shailene Woodley, tient une grande place dans le film.

Melissa Leo est excellente dans le rôle de Laura Poitras, une journaliste et réalisatrice qui accompagne Snowden. Le casting est d'ailleurs incroyable, avec des acteurs connus et reconnus même dans des rôles secondaires. Par exemple, Nicolas Cage incarne un professeur à la CIA, présent dans deux ou trois scènes uniquement. On peut citer les acteurs Rhys Ifans, Tom Wilkinson, Zachary Quinto, Timothy Olyphant, Scott Eastwood...

Oliver Stone, réalisateur expérimenté, est coutumier des biopics : après JFK en 1991, Nixon en 1995 et W en 2008, c'est son quatrième. J'ai beaucoup aimé l'ingéniosité dont Snowden a fait preuve pour sortir les données classifiées du site d'Hawaï. La scène, pleine de tension, est palpitante. D'autre part, le final du film avec le vrai Snowden est réussie. Globalement, c'est un film efficace mais ce n'est pas son meilleur biopic selon moi. Je trouve qu'il manque un souffle dans la durée, la seconde partie est plus réussie que le début du film.
 

6 novembre 2016

Coluche


L'exposition Coluche à l'Hôtel de Ville de Paris permet de redécouvrir toutes les facettes de ce personnage multiple à la fois clown, provocateur, engagé et humaniste.

L’exposition commence avec la moto qui a lui a permis de battre le record du monde du kilomètre lancé en 1985. On revient également en images sur son mariage avec Thierry Le Luron la même année.
Coluche était un homme de radio (extraits d'émissions sur Europe 1) mais aussi de télévision (visionnage de sketchs cultes ou moins connus, présence de la chaise de bébé de l'émission Le jeu de la vérité de Patrick Sabatier). Des costumes sont également visibles : la fameuse salopette rayée, un tutu de danse, etc.
Un auditorium nous permet de revoir des extraits de films : Banzaï, L'inspecteur la Bavure, Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, Le chevalier blanc avec Gérard Lanvin, Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine qu'il a réalisé, ...
Son engagement politique auprès des Restos du cœur est présenté, la lutte contre le racisme (Touche pas à mon pote) et surtout la Campagne présidentielle Coluche président avec l'affiche jaune et son appel à la population.
Des photos personnelles avec sa bande de potes sont affichées. C'est un art qu'il affectionnait particulièrement puisqu'il disait "Comme un sketch, la photo est instantanée". On y retrouve également des portraits émouvants.
Côté récompenses, on peut admirer son César de 1984 pour Tchao Pantin de Claude Berri - la même année Isabelle Adjani était récompensée pour L'été meurtrier - et sa décoration de Chevalier de l'ordre des arts et des lettres.
Des citations pleine d'humour sont distillées : "J'ai tout piqué à Liz Taylor", "Il faut se méfier des comiques parce que quelque fois, ils disent des choses pour plaisanter", ou encore "La grossièreté vise à choquer ceux qui n'en rient pas, pour faire rire deux fois plus les autres".
Ctait également un musicien accompli. Des éléments biographiques clôturent la visite, de sa naissance en 1944 et son enfance à Montrouge, à son décès en moto en 1986 avec un accident de camion, alors qu'il n'avait pas 42 ans.

Exposition gratuite à voir du lundi au samedi, jusqu'au 7 janvier 2017
 

29 octobre 2016

Juste la fin du monde


Juste la fin du monde de Xavier Dolan a obtenu le Grand Prix au festival de Cannes. Après Mommy, Xavier Dolan signe un nouveau drame à partir de l'adaptation d'une pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce. Après douze ans d'absence, par un dimanche de canicule, Louis, auteur reconnu, rend visite à sa famille pour leur faire une annonce...

Ce film réunit un casting 5 étoiles :
- Louis/Gaspard Ulliel, qui n'avait pas tourné depuis Saint Laurent de Bertrand Bonello. Ses tête-à-tête avec les différents membres de sa famille font avancer l'intrigue du film ;
- Martine/Nathalie Baye, la mère, un peu paumée et maquillée comme une voiture volée ;
- Antoine/Vincent Cassel, l'aîné, brutal en apparence ;
- Catherine/Marion Cotillard, la femme d'Antoine, qui n'a jamais encore rencontré Louis. Son personnage m'a fait penser à celui de Yolande jouée par Catherine Frot dans Un air de famille de Cédric Klapisch ;
- Suzanne/Léa Seydoux, la cadette rebelle qui tournait en parallèle Spectre, le dernier James Bond.

C'est un film qui divise : deux spectateurs ont quitté la projection après 30 minutes. Personnellement, j'ai moins aimé que le précédent opus mais je trouve que c'est une véritable prouesse de concentrer autant d'émotions et de tensions en 1h35. J'avais les larmes au bord des yeux quand les lumières se sont rallumées.

A noter que la musique n'est pas signée par Xavier Dolan mais du compositeur Gabriel Yared. On y retrouve notamment Miss you de Blink-182, Dragosteo Din Tei d'O-zone, ou Natural Blues de Moby à la fin du film. Elle joue une nouvelle fois un rôle important par l'art de faire redécouvrir des chansons et leurs paroles.

22 octobre 2016

One Bedroom Hotel On The Moon


Après une exposition très réussie sur Cédric Klapisch, la Galerie Cinéma - l'une des mes galeries préférées avec la Galerie de l'Instant - propose la première exposition à Paris de Charlotte Le Bon intitulée One Bedroom Hotel On The Moon.

Le titre traduit toute la fantaisie de cette talentueuse quécoise, ex mannequin, ex miss météo, dont la carrière au cinéma décolle avec de nombreux tournages et films à venir.

Voici quelques unes de ses créations

 
 

L'homme à la tête de cœur ("heart-headed man") est un personnage qu'elle a créé il y a plusieurs années.


Elle souhaite montrer ci-dessus qu'il peut résulter une création belle et harmonieuse de la répétition de symboles moches et sans intérêt.


Son univers plein de poésie, m'a particulièrement touché. C'est drôle et cela ne se prend pas au sérieux.

Un (très) court-métrage décalé, qu'elle a réalisé, conclut la visite.

Courez dans le Marais, dans la galerie dirigée par Anne-Dominique Toussaint, voir cette charmante exposition avant le 5 novembre.

16 octobre 2016

Frantz


Frantz est un drame de François Ozon dont l'action est situé après la première guerre mondiale.
En 1919, Anna se rend sur la tombe de Frantz, son fiancé, un soldat allemand tué à la guerre. Elle découvre que celle-ci a été fleurie par un français prénommé Adrien. Intriguée, elle va chercher à en savoir plus sur ce jeune homme...

C'est un film élégant et pudique qui met en valeur ces deux interprètes principaux : Pierre Niney est magistral dans le rôle d'Adrien pour lequel il a appris l'allemand et le violon ; tout comme Paula Beer qui est mise en valeur dans la seconde partie du film, beaucoup l'ont comparé à une future Romy Schneider par sa grâce et sa présence magnétique.

Frantz est un film tourné en noir et blanc, à l’exception de quelques scènes qui sont en couleurs, quand elles se réfèrent à des souvenirs ou à des moments liés à Frantz. 

Le film est surprenant dans le déroulement du récit et c'est peut-être à cela que l'on reconnait la patte du réalisateur de films singuliers, qui me plaisent souvent, comme Jeune & Jolie ou Swimming pool. La bande-annonce, que j'avais vue une seule fois avant d'aller voir le film, m'avait orienté sur une mauvaise piste, mais c'est avant tout un film sur la recherche de la vérité.
 
Enfin, voici une anecdote narrée par François Ozon en interview : "Frantz" s'écrit en allemand "Franz" sans t. L'erreur initiale dans son scénario a été conservée, en hommage à ce film situé à la fois en Allemagne et en France.