29 décembre 2019

Le monde nouveau de Charlotte Perriand


La Fondation Louis Vuitton consacre une rétrospective majeure à Charlotte Perriand, 20 ans après sa disparition.

Diplômée des Arts Décoratifs, elle s'en détache rapidement et commence à travailler avec Charles-Édouard Jeanneret-Gris dit Le Corbusier à l'âge de 24 ans. Elle rencontre ensuite Fernand Léger : de 22 ans son aîné, leurs créations se répondent en permanence.
Sa trajectoire singulière, libre et indépendante sera d'un apport majeur dans le domaine du design, en visant à améliorer profondément la vie quotidienne. Elle propose une synthèse des autres arts (peinture, sculpture, photographie), en articulation avec l'architecture et l'urbanisme.

"La maison au bord de l'eau" se situe au niveau inférieur du musée, après Inside the horizon, le jeux de miroirs en enfilade d'Olafur Eliasson. Datant de 1934, elle est très fonctionnelle : récupération des eaux de pluie, salon ouvert, chambres minimalistes et salle de bain avec un hublot et une porte coulissante. J'aimerais y habiter !
Charlotte Perr
iand vise à construire l'appartement idéal, comme à travers cette reconstitution de son atelier appartement de Saint-Sulpice. La circulation y est fluide, les espaces n'étant pas cloisonnés. Dans l'appartement moderne, rien n'est inutile.


C'est une femme engagée : elle prend part à la guerre d'Espagne et à la lutte antifasciste, aux côtés de Miro et Calder.

En 1940, son premier voyage au Japon va énormément la marquer. Elle se passionne pour la culture, les rites, les formes et les savoir-faire de l'archipel. Elle découvre la beauté de l'imperfection, au travers notamment de poteries asymétriques.

En 1950, son approche est synthétisée par la locution "L'art d'habiter". Sont utiles et belles les formes qui révèlent l'accord entre les exigences de la matière et les aspirations de l'esprit. Elle veut réconcilier et juxtaposer les matériaux modernes et les plus anciens.

Sa bibliothèque est colorée et modulable et s'adapte ainsi aux différents espaces. Elle est associée à une table de forme libre, inspiré par les formes de la nature. Le mobilier est sensuel et féminin.


Au Brésil en 1963 avec son mari Jacques Martin, elle retrouve les architectes Oscar Niemeyer et Lucio Costa.

Spécialiste en architecture préfabriquée pour les loisirs à partir de 1934, "Le refuge tonneau", structure en bois inspirée par un manège forain vu en Croatie, permet d'habiter la montagne. D'origine savoyarde, elle a construit la station des Arcs entre 1967 et 1989 en tant qu'architecte et architecte d'intérieur.

L'exposition se termine avec "La salle des bambous" et "La maison de thé", un espace apaisant et japonisant.


Une rétrospective foisonnante, passionnante et d'une grande modernité à voir jusqu'au 24 février 2020.

22 décembre 2019

Les Misérables


Les Misérables
de Ladj Ly a reçu le Prix du Jury au Festival de Cannes 2019.

Le film débute par des scènes de liesse populaire et de cohésion en juillet 1998, après la victoire de
l'équipe de France de football. Stéphane (Damien Bonnard) est muté à Montfermeil dans le 93. On va suivre sa journée d’intégration dans la brigade de police de Chris (Alexis Manenti) et Gwada (Djebril Didier Zonga), alors qu'un drame couve dans la cité des Bosquets qui est prête à s'enflammer au cœur de l'été...

Tous les acteurs sont incarnés avec de la profondeur :
- Damien Bonnard campe un flic intègre,
novice dans cette cité, d'abord en posture d'observateur. Je l'avais adoré, dans un autre registre, en amoureux transi d'Adèle Haenel dans En liberté ! de Pierre Salvadori
- Alexis Manenti est hallucinant en flic hargneux, raciste et excessif
- Djebril Didier Zonga est son équipier de longue date
- les enfants surnommés "les microbes", acteurs non professionnels très convaincants, parmi lesquels le personnage d'Issa et le propre fils du réalisateur en pilote de drone, qui jouent des rôles essentiels à l'intrigue
- Jeanne Balibar est présente dans une seule scène mais cela suffit à rendre son personnage crédible.

Le film délivre un constat brut, sans jugement, ni donner de leçon. Les émeutes de 1995 n'ont rien changé en banlieue : ce n'est facile pour personne et la réalité de la situation est complexe, rien n'est blanc ou noir.

Ladj Ly a grandi et habite toujours à Montfermeil. Il
très impliqué dans la vie de sa cité : il y a ouvert une école de cinéma et a fait du "cop watch" qui consiste à surveiller les agissements de la police en les filmant.

La séquence finale est un coup de poing, sous tension permanente, qui tutoie l'oppression, jusqu'à la dernière image qui est glaçante. La citation qui ouvre le générique est extraite du livre éponyme de Victor Hugo qui se déroule à Montfermeil : "Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs."

J'ai noté des clins d'oeil au collectif Kourtrajmé : la photo de JR en noir et blanc avec Ladj Ly pointant un appareil photo comme un flingue, un extrait de Clique de Mouloud Achour sur un écran de télévision, et on ne peut pas s'empêcher de penser à La Haine de Mathieu Kassovitz, mon premier choc au cinéma il y a plus de 20 ans déjà.

Des dialogues drôles parfois (comme
Stéphane surnommé "pento" à cause du gel dans ses cheveux), qui sonnent systématiquement justes. La musique originale de Pink noise est très prenante et colle à l'action de ce drame traité comme un thriller.
 
Les Misérables
est l'un des meilleurs films que j'ai vus en 2019 ! Il est à la hauteur de mes grandes attentes depuis Cannes. Il est désormais dans la course aux Oscars 2020 en représentant la France dans la catégorie Meilleur film étranger.


15 décembre 2019

Un Américain à Paris

 

Un Américain à Paris est une comédie musicale au programme du théâtre du Châtelet jusqu'au 1er janvier 2020, en version originale surtitrée. Créée à Paris en 2014, puis jouée à Broadway, Londres, puis en tournée dans le monde, elle est de nouveau proposée à Paris cette saison.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Jerry Mulligan, un soldat américain, décide de rester à Paris et de se consacrer à la  peinture. Il rencontre Lise Dassin le jour de son arrivée. Il a le coup de foudre pour cette danseuse, mais il n'est pas le seul à être tombé sous son charme : c'est aussi le cas d'Henri Baurel, à qui elle est promise, et d'Adam Hochberg, un musicien et chorégraphe...

 

Le final est éblouissant, sur la musique du ballet composé par George Gershwin, avec des scènes mêlant rêve et réalité.

Après 30 mois de fermeture pour travaux, ce retour au Châtelet m'a enchantée ! A l'instar du film de Vincente Minnelli avec Gene Kelly et Leslie Caron en 1951, c'est un spectacle divertissant, qui ravit et émerveille. J'ai été conquise par Un Américain à Paris, tout comme je l'avais été par Singin' in the rain en janvier 2016 dans cette même salle.

8 décembre 2019

J'ai perdu mon corps


Acclamé au Festival d'Annecy et à la Semaine de la critique du Festival de Cannes dont il est reparti avec le Grand Prix, J'ai perdu mon corps est un film d’animation de Jérémy Clapin.

Enfant, Naoufel
quitte Rabat pour Paris, suite à un drame. Jeune adulte, il livre une pizza à Gabrielle et tombe amoureux de sa voix à travers l'interphone. En parallèle, une main s'enfuit d'un laboratoire parisien. Nous découvrirons leurs liens et leurs histoires...

C'est le premier long métrage de Jérémy Clapin, adapté du roman Happy Hand de Guillaume Laurant, avec qui il a co-écrit le scénario.

C'est un coup de maître ! Ce film d’animation mêle la 2
D et la 3D, la
couleur et le noir et blanc, et plusieurs temporalités qui rythment la progression de l'intrigue. On ressent de l'empathie pour le duo formé par le réservé Naoufel et la résolue Gabrielle, tout comme pour cette main, dont les vues de la ville à proximité du sol sont saisissantes.

La musique du film est composée par Dan Levy du groupe The Dø.

Une merveille esthétique et poétique d'1h21, inclassable comme le sont les chefs-d’œuvre d'Hayao Miyazaki. Grâce à son originalité tant sur le fond que sur la forme, J'ai perdu mon corps continue de remporter des prix (à COLCOA, à Cabourg). Le film est en lice pour l'Oscar du meilleur film d'animation. que je lui souhaite vivement de remporter !